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Au vu de son actualité foisonnante et notamment de l’exposition qu’il prépare au centre d’art Les Brasseurs à Liège, il nous paraissait opportun de consacrer quelques lignes au travail de CLAUDE CATTELAIN, performeur et “directeur du mauvais movies” pour reprendre l’expression de Man Ray1. Cet
article est donc l’occasion d’un retour sur l’exposition ayant eu lieu à la maison d’art actuel des Chartreux (MAAC) en fin d’année, augurant de nouvelles et prometteuses perspectives dans la pratique de cet artiste qui choisit rarement le chemin le plus court entre deux points.2

RETOUR À LA TERRE


À l’origine des oeuvres de Claude Cattelain (°1972, Kinshasa ; vit et travaille à Bruxelles), il y a souvent des gestes simples — comme élever une colonne de blocs en partant du plafond ou marcher sur place dans le sable en s’y enfonçant —, improvisés dans l’espace de l’atelier ou exécutés à même le lieu d’exposition. Le corps y tient sa juste place, c’est-à-dire qu’il est à la fois support, outil de projection, mais aussi trace, souvenir, mémoire.

Ainsi, dans l’exposition à la MAAC, pouvait-on assister à une concordance de ces différents temps et usages du corps, à travers un ensemble d’installations révélant un rapport de promiscuité avec les éléments primordiaux que sont la terre, l’eau, l’air et le feu, animés d’un souffle vital qui renvoie, quant à lui, à la condition humaine. Parmi les gestes les plus aboutis, ou du moins les plus affirmés de cette exposition, l’obstruction de la quasi-totalité de l’espace d’accueil par la construction de deux cabanes faites de planches de bois brut, destinées à accueillir chacune une projection vidéo (Radoub et Breath). Si la première de ces vidéos consistait à tenter de rassembler des épaves emportées par le courant, la seconde montrait l’artiste soulevant une poutre par sa seule respiration. L’occupation singulière des lieux, qui déjouait ici le comportement habituel des visiteurs, obligeait à une entrée “par le corps” et les sensations, rythmée par le son de la respiration de l’artiste. Un autre geste décisif, magistral dans son ampleur et sa monumentalité, fut de remplir de quelques tonnes de terre argileuse l’ensemble de la pièce en arrière-cour et d’y projeter des poutres de bois (Sleep). Les sillons ainsi laissés dans la terre traçaient des lignes de fuite vers le mur du fond qui semblait s’élever à la verticale alors que le spectateur avait la sensation que le sol se rabattait devant lui. Poutre et homme faisaient corps dans un seul et même élan de liberté. La terre argileuse suintait, de même qu’une lumière écranique s’échappait d’entre les planches jointes, comme pour mieux marquer ce déplacement d’énergie, en un mot cette entropie propre à la matière organique, qui se manifeste de manière aléatoire, en dépit de la volonté de l’artiste.

C’est à partir de ce constat que s’organise l’exposition à Liège, qui s’articulera autour d’actions réalisées pour et dans l’espace de l’ancienne brasserie en amont du vernissage. L’occupation se fera tantôt souterraine, tantôt à la lumière du jour, mais toujours de manière à ce qu’un élément architectural garde les traces du travail effectué. De nouveau, l’on retrouve cette idée d’empêchement, interdisant le spectateur d’accéder simultanément à l’ensemble de l’exposition et l’aménagement de points de vue multiples. Cependant, la souillure apparaît à plusieurs reprises, telle une étape nécessaire du processus de création rendu visible à travers le film qui sera tourné durant le montage et projeté dans une salle à part. Contrairement à l’aspect relativement propre et contenu des installations précitées, il est question ici de fuite, de flaque, de toute cette mécanique des fluides qui s’infiltrent et qui tachent. Ce recours à la terre et à l’eau a quelque chose d’un retour, d’une quête des origines qui n’est pas sans évoquer celle du personnage de Robinson de Michel Tournier, lorsqu’il s’enfonce dans la vase pour fusionner avec son île.3 A l’instar de l’artiste cubaine Anna Mendieta, dont on a récemment pu découvrir la production cinématographique longtemps restée dans l’ombre,4 le parcours de Claude Cattelain tient à bien des égards de la lutte pour le dépassement de soi, qui trouve son achèvement (et peut-être, qui sait, un certain apaisement) à travers la rencontre avec la nature. Le corps y retrouve son berceau initial, la terre-mère nourricière, demeure de tous les possibles.

Septembre Tiberghien


1 Voir Jean-Michel Bouhours et Patrick de Haas, dir. Man Ray, directeur du mauvais movies,
éd. Centre Georges Pompidou, Paris, 1997.
2 Contrairement à ce que laisse entendre le titre de son exposition monographique
à la Maison d’art actuel des Chartreux (MAAC), Straight ahead, couronnant trois années
de résidence (du 12 octobre au 1er décembre 2018).
3 Michel Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique, Paris, Gallimard, 1967.
4 Belle initiative du Jeu de Paume.

CLAUDE CATTELAIN
LES BRASSEURS, ART CONTEMPORAIN
26/28 RUE DU PONT
4000 LIÈGE
WWW.LESBRASSEURS.ORG

DU 6.03 AU 5.04.19
CE SERAIT MIEUX À DEUX
VITRINE RÉGIONALE D’ART CONTEMPORAIN (VRAC)
7 PLACE DE LA CAPELLE
F-12100 MILLAU

JUSQU’AU 10.02.19
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LA CHAMBRE D’ÉCHO — CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL
BOULEVARD LOUIS BLANC
F-34000 MONTPELLIER

DU 11.03 AU 11.04.19
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LE CARREAU DU TEMPLE
2 RUE PERRÉE
F-75003 PARIS
DU 28 AU 31.03.19